Clouterie Rivierre : la transmission au cœur

Nous avons rencontré Manuel et Anthony, tous deux travaillant à la Clouterie Rivierre, à Creil. Un lieu unique, des machines uniques, un savoir-faire unique et… des hommes uniques.

À la rencontre de Manuel et Anthony, employés au savoir-faire unique

Manuel, proche de la retraite, et Anthony, 4 ans d’ancienneté, parcourent les allées de la Clouterie Rivierre, saluant les uns et les autres d’un signe de la main. Détenteurs d’un savoir-faire unique, ils s’affairent autour d’une centaine de machines avec discernement et analyse. Ici, le moindre tour de clé compte, et si les machines dictent leurs règles, tous apprennent à les connaître au fil du temps…

Clous en inox, cuivre, laiton, acier vieilli, dorés, courts, longs, galvanisés ou semences de tapissiers : la Clouterie Rivierre exporte dans le monde entier 2 800 références grâce au travail d’une quinzaine d’hommes discrets, engagés dans une chaîne de transmission que l’entreprise a le cœur de perpétuer.
Derrière chaque geste, un savoir-faire précis, transmis dans l’intimité de la fabrique, depuis 135 ans. Une expertise, reconnue par de grandes marques, que Manuel, Anthony et d’autres font vivre…

Participer à des projets uniques & prestigieux

Qui dit entreprise unique, dit clients uniques !

D’emblée, les deux hommes affichent leur satisfaction : participer à des chantiers d’envergure européenne ou internationale, ce n’est pas donné à tout le monde ! Un sourire éclaire leur visage, les langues se délient. Manuel évoque L’Hermione, réplique d’un navire de guerre du 18e siècle, et Anthony celle du Drakkar de Vendée, encore en construction : « […] c’est une fierté de se dire que nos clous sont utilisés sur des chantiers navals historiques […] ils seront encore là dans des décennies […] » précise Anthony, heureux d’apporter sa pierre à l’édifice de la restauration du patrimoine.

De l’enthousiasme, il en faut, car à la Clouterie Rivierre, les défis ne manquent pas. Monuments historiques, œuvres d’art, coutellerie, maroquinerie, matériel dédié au plein air, artisanat d’art… tous les métiers sont représentés et donnent du fil à retordre aux hommes comme aux machines !
Manuel, qu’aucun projet ne semble effrayer après 36 ans de maison, se rappelle la conception de tirefonds destinés à des maquettes ferroviaires, ou celle de clous en aluminium utilisés par l’Office national des forêts pour marquer les parcelles sans endommager le matériel lors de la coupe de l’arbre…de la diversité nait l’expertise la plus pointue !

Un travail d’équipe, un relai à passer

Un clou, ça peut paraître simple

Pourtant, le fabriquer reste tout un art et nécessite de nombreuses connaissances, fruits d’un travail d’équipe. Ici, les métaux sont reçus sous forme de bobines de fil de grosses sections.

Une fois tréfilé selon les besoins du client, c’est-à-dire ramené à une section adaptée, le fil passe dans les machines, un outillage spécifique ayant été spécialement conçu ou réglé pour chaque référence : « […] c’est collaboratif, chacun a des connaissances particulières. Moi je travaille sur les clous forgés, Manu sur les semences pour la tapisserie, Fred intervient sur la mécanique et le réglage, et ainsi de suite, on a tous une spécialité ! […] » précise Anthony, affable.

« L’artisanat, c’est la simplicité complexe »

En arrivant à la clouterie en 2019 avec un CAP et un Bac pro mécanique automobile en poche, Anthony ne connaissait pas grand-chose de l’artisanat. Entre les murs de cette gigantesque usine, il apprend des anciens, et notamment d’Émidio : « […] il était à la retraite, mais venait nous voir le matin. Il était très attaché au lieu, car son frère, Paulino, y travaillait encore […] il a contribué à ma formation et nous a donné beaucoup » précise-t-il.

Entre deux réponses, on comprend les heures passées à observer, puis à ajuster les machines. L’artisanat, mot parfois mis à toutes les sauces, reste pour ces deux passionnés une manière de s’attacher aux détails et de satisfaire toutes les demandes de la clientèle… sans oublier la nécessité de se montrer humble, en toile de fond : « […] parfois, il faut tenter de répondre à une demande qu’on n’a jamais traitée. Alors on cherche, on essaie, on tente, on recommence […] avec le temps, les anciens sont partis et ont emporté parfois une part de ce savoir-faire avec eux, mais on y arrive toujours » place Manuel, faussement détaché.

Travailler dans le bon sens et répondre à des besoins précis

Savoir-faire transmis d’homme à homme, les gestes d’hier se sont parfois égarés en chemin. Pas de manuel ni de guide pratique, les méninges cogitent pour apprivoiser le matériel, parfois capricieux ! Anthony et Manuel travaillent avec leurs connaissances, leurs mains, leur œil, leur esprit d’analyse. Parfois, il est possible de passer des heures à régler une machine !

Le défi technique pousse les deux hommes à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils apprécient la variété de leur travail et sont satisfaits de leurs avancées : « […] comprendre pourquoi ça ne fonctionne plus, trouver des solutions, chercher et se creuser la tête, on adore ça ! […] », clament-ils presque en chœur.

Et s’ils mettent autant de cœur à l’ouvrage, ce n’est pas pour la beauté du geste : « […] ici, on ne crée aucun besoin, on y répond juste de manière ultra précise. C’est gratifiant et plutôt actuel comme message, non ? […] », place avec pertinence Anthony, sensible aux valeurs de l’entreprise.

La Clouterie Rivierre, joyau du bassin Creillois, rayonne grâce à l’incroyable énergie de ses collaborateurs, bien au-delà des seules frontières de l’Oise, avec 75% de la production dédiés à l’export ! Chantiers navals, luxe, cordonnerie haut de gamme, maquettisme et même mytiliculture : si les clous made in Creil voient du pays et portent haut et fort les couleurs de la France, c’est grâce à Manuel et à Anthony, ainsi qu’à tous ces hommes de l’ombre…

Céline Weissier – Les mots à la page

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