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22 août 2024
Nos ambassadeurs
Elle surplombe Saint-Leu-d’Esserent et les bords de l’Oise, tout le monde la voit mais connaît-on réellement son histoire et ses secrets ? Découvrez l’Abbatiale Saint-Nicolas grâce à la visite de Françoise Roy, guide conférencière des Villes et Pays d’art et d’histoire pour la région picarde.
Nous avons rencontré Françoise Roy, guide et passionnée d’Histoire, qui nous parle de cette Abbatiale.
Une histoire de plus de 1 200 ans
Avant de devenir guide conférencière, Françoise Roy était dans le commerce. Il y a quelques années, une réorientation professionnelle s’est imposée à elle et c’est tout naturellement qu’elle s’est dirigée vers sa passion pour l’histoire et ainsi devenir guide conférencière dans son département qu’elle affectionne tant. Françoise est ensuite tombée sous le charme de ce bel édifice qu’est l’Abbatiale de Saint-Leu-d’Esserent, aux innombrables particularités.
La première est qu’elle est composée de plusieurs constructions. D’après les hypothèses de Delphine Hanquiez, maître de conférence et docteure en histoire de l’art, Françoise Roy nous explique « qu’il y a eu trois bâtiments successifs : tout d’abord une église du 10ème siècle qui a perturbé une sépulture mérovingienne puisqu’on a retrouvé des sarcophages près de l’entrée actuelle. »
Cette église est construite par des moines pour leur monastère, qui prend de l’importance au 11ème siècle lorsqu’un prieuré clunisien est fondé en 1081 : « Cette église nous raconte aussi une histoire, confie Françoise Roy, celle d’Hugues de Dammartin, seigneur médiéval qui, arrivé à la moitié de son existence, décide d’œuvrer pour son salut en donnant à l’évêque de Beauvais l’église de Saint-Leu et ainsi l’offrir à l’ordre clunisien. Cette donation s’accompagne d’autres dons : terres, vignobles, moulins, taxes de passage qui permettront l’édification d’une église digne de l’ordre clunisien alors en pleine expansion ».
Son descendant, Renaud de Dammartin était un aristocrate typique de l’époque médiévale qui aimait faire la guerre et s’approprier des terres et des églises. Il s’attira ainsi les foudres de l’Église qui l’a excommunié, l’un des pires châtiments qu’on pouvait infliger à une personne. Fait étonnant : malgré son excommunication, son gisant est ainsi toujours visible aujourd’hui dans l’Abbatiale.
Suite aux donations faites par son aïeul, Hugues de Dammartin, les moines lancent une série de construction dont la première est celle du massif occidental, c’est-à-dire l’entrée de l’église avec les différents porches. L’église existante est gardée, ils rajoutent simplement cet espace cultuel et processionnel ainsi qu’une tour méridionale. Dès 1160, le chœur commence à être bâti avec bien sûr les deux grandes tours qui surplombent la vallée de l’Oise. Enfin, les moines vont s’afférer dès les années 1180 à construire la nef, c’est-à-dire la jonction entre le massif occidental et le chœur. Les historiens estiment l’achèvement des plus gros travaux aux alentours de 1210.
Même si ça ne saute pas aux yeux des moins avertis, il y a des indices dans l’architecture du monument qui montrent ses différentes étapes de construction, comme vous l’indiquera Françoise Roy lors de votre visite : « On le remarque de loin : le mur de l’entrée n’est pas centré, puisqu’ils ont accolé leur massif occidental à l’église qui était là. »
Que signifie le terme « Abbatiale » ?
D’une taille peu commune pour une église de monastère qui comptait une trentaine de moines à son apogée, elle fut appelée à son époque : « la petite cathédrale ».
Plus grand que la cathédrale de Senlis, le prieuré de Saint-Leu-d’Esserent a ainsi été baptisé Abbatiale pour sa taille et son influence régionale. C’est en effet le plus grand des quatre prieurés clunisiens existants dans la région, sans compter que le roi était présent lors de sa fondation, ce qui confirme l’importance de cette édifice.
Pour Françoise Roy, c’est même « un des monuments les plus intéressants du patrimoine isarien car liée à l’histoire géographique, politique, religieuse et économique de sa région ».
L’importance de Saint-Leu-d’Esserent à l’époque médiévale
Comme pour le Château de Creil, la première force de Saint-Leu-d’Esserent est d’être au bord de l’Oise, d’où le nom de l’Abbatiale : « Saint-Nicolas était le patron des mariniers et des bateliers. On est à deux pas de l’Oise, qui était une voie commerciale importante. » souligne Françoise Roy.
C’est au 12ème siècle, pendant la construction de l’Abbatiale, que la ville devient réellement importante : « Ce monastère clunisien tient une place particulière auprès de la maison-mère de l’ordre à Cluny en Bourgogne et bénéficie de protecteurs influents, comme le comte de Clermont, avoué du prieuré vers 1176. Il transféra la foire de sa châtellenie de Creil à Hescerent (Esserent) afin d’augmenter les revenus du monastère et ainsi reprendre les travaux de l’église. »
Sans oublier que les moines de l’Abbatiale étaient des moines seigneurs grâce à la donation des terres et des droits de passage de Hugues de Dammartin. Ainsi, les moines jouissaient du droit de ban, leur permettant de vendre en premier leur vin qu’ils stockaient dans la cave Banvin en contre bas de l’Abbatiale dans la rue de l’Église, que votre guide vous fera également visiter.
Des styles architecturaux qui évoluent dans le temps long de l’Histoire
Ce qui rend aussi exceptionnelle cette Abbatiale, c’est également la diversité des courants architecturaux qui la compose. La première église était carolingienne, puis un massif occidental roman lui a été accolée. Ensuite, le chœur de la seconde moitié du 12ème siècle est gothique, un style révolutionnaire comme nous l’explique Françoise Roy : « Le gothique ne s’appelait pas du tout gothique à l’époque mais l’opus francigénum qui signifiait ’’l’art français’’. » Une architecture qui a transformé le paysage français et qui le marque encore aujourd’hui. Enfin, les fenêtres de la chapelle du 13ème siècle s’inscrivent dans le gothique rayonnant.
L’Abbatiale n’est pas épargnée par la Seconde Guerre mondiale, comme le raconte Françoise Roy : « En 1944, une bombe tombe sur la tour nord. Elle n’explose pas mais la déflagration a causé des dégâts. Cette bombe a été larguée par les alliés puisque c’est à Saint-Leu-d’Esserent qu’étaient stockés les missiles V1 qui devaient aller détruire Londres. »
On pourrait également écrire de nombreuses lignes sur les différents ornements qui décorent les chapiteaux, les tours, les clefs de voûte ou encore les boiseries du 18ème dans la chapelle sud, mais le mieux reste encore d’aller les découvrir lors d’une visite guidée. Et ce n’est pas notre guide conférencière qui vous dira le contraire : « Visiter ces lieux, c’est visiter l’histoire autrement, c’est tisser un lien tangible avec la passé grâce aux vestiges, témoins d’un passé lointain qui prend vie le temps d’une visite. Et puis la visite, ne l’oublions pas, c’est avant tout un moment d’échanges entre personnes passionnées par l’Histoire ».
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Diane Maat – Com’Positiv
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